Karen Beauchemin (Ph. D.)
Chercheuse scientifique - Spécialiste de la digestion et du métabolisme (retraitée)
Centre de recherche et de développement de Lethbridge
Pourquoi êtes-vous devenue scientifique?
Après ma maîtrise en sciences animales, j’ai travaillé comme nutritionniste pour les bovins laitiers et les bovins de boucherie. Ça a été une expérience formidable, mais j’ai rapidement réalisé que je voulais approfondir mes connaissances sur la nutrition animale. Je suis donc retournée aux études pour obtenir un doctorat en nutrition des ruminants. J’ai ensuite eu beaucoup de chance : on m’a offert un poste de chercheuse au sein d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Nous vous présentons Karen Beauchemin (Ph. D.)
Profil
Quelle a été, à votre avis, l'avancée la plus importante à laquelle vous avez participé?
Ma plus grande avancée a été la mise sur pied, au début des années 2000, d'un programme de recherche visant à mesurer les émissions de méthane du cheptel bovin afin de trouver des façons de les minimiser. Le méthane est un gaz à effet de serre (GES) et représente une perte d'énergie pour l'animal. Grâce à notre flair de l'époque, nous avons pu apporter des données scientifiques à la table de discussion sur la production durable de viande et de lait au Canada.
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail?
J'apprécie l'aspect créatif du métier de scientifique et la possibilité de « creuser » un sujet en particulier. J'aime aussi partir d'un sujet existant pour élaborer une nouvelle idée, puis mettre le concept à l'épreuve dans une série d'études. Je suis également souvent amenée à collaborer avec d'autres experts nationaux et internationaux pour trouver la meilleure voie à suivre. J'aime analyser des données, interpréter des résultats et rédiger des manuscrits scientifiques qui sont révisés par des experts internationaux. C'est très gratifiant d'arriver à des résultats qui amènent des changements concrets pour les éleveurs bovins ou qui engendrent de nouveaux renseignements pour les consommateurs.
Quel aspect trouvez-vous le plus difficile?
Le processus est très lent et répétitif, ce qui exige énormément de patience. Avant qu'on puisse mener une recherche, il faut obtenir du financement, ce qui signifie convaincre les gens de l'importance de notre recherche. C'est parfois difficile, parce que certaines idées sont bien en avance sur les pratiques actuelles et il n'est pas toujours évident de démontrer leur pertinence dans l'immédiat.
Qu'est-ce que les Canadiens seraient étonnés d'apprendre sur votre travail?
Grâce à mes recherches, j'ai appris que les bovins ont une capacité unique à digérer les fibres, mais que ce processus produit du méthane, un puissant gaz à effet de serre. Au Canada, le méthane émis par les bovins laitiers et de boucherie représente environ 4% du bilan de GES. Nous cherchons donc à améliorer la nutrition des bovins de manière à réduire leurs émissions de méthane tout en préservant leur santé et la capacité de production. Par exemple, nous avons pu démontrer que, si les bovins consomment un nouveau supplément inhibiteur de méthane, on peut réduire les émissions de 30%.
Bien que les bovins produisent du méthane, ils broutent aussi dans les champs, ce qui participe au maintien des écosystèmes des Prairies. Par exemple, le pâturage des bovins aide à garder le carbone dans le sol, à améliorer la santé du sol et à le protéger contre l'érosion, à réduire la quantité d'espèces envahissantes, à améliorer la qualité de l'eau, à maintenir la biodiversité et à fournir un habitat aux animaux sauvages.
La relation qui unit les bovins et l'environnement est complexe, et c'est cette complexité qui m'intrigue. C'est aussi pour cette raison que je travaille fort à réduire autant que possible notre empreinte environnementale.
Améliorer la nutrition des bovins pour donner un nouveau souffle à l'environnement
Au moment où les changements climatiques préoccupent la planète entière, chacun s'emploie à réduire son empreinte environnementale. En agriculture, il nous faut réfléchir à de nouveaux moyens de production durables des aliments.
Les chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) ont contribué à améliorer la qualité, le rendement, la salubrité et la durabilité des aliments produits par les agriculteurs canadiens. La chercheuse Karen Beauchemin et son équipe, du Centre de recherche et de développement de Lethbridge, en Alberta, estiment pouvoir faire un pas de plus vers la réduction du méthane, un gaz à effet de serre (GES).
« Les résultats que l'on observe en laboratoire et sur le terrain montrent que, grâce à l'alimentation et à la génétique, les émissions de méthane des bovins peuvent encore être réduites de moitié », affirme Mme Beauchemin.
L'élevage représente environ 15% des émissions mondiales de GES. Les producteurs canadiens parviennent à réduire sans cesse leurs émissions grâce aux recherches visant à améliorer le rendement et à réduire l'empreinte écologique de cette activité.
Karen Beauchemin et son équipe poussent la durabilité encore plus loin en s'intéressant au méthane émis par les vaches lors de la digestion du fourrage. L'équipe tente de réduire ces émissions de différentes façons.
Par exemple, les chercheurs ont conçu et évalué des additifs alimentaires qui aident à la digestion des bovins. En se concentrant sur la nutrition des bovins, ils sont parvenus à raffiner le régime alimentaire de ces derniers afin de répondre exactement à leurs besoins, sans plus.
L'aspect génétique doit aussi être pris en compte : certains animaux digèrent simplement mieux que d'autres, et ils parviennent à prendre du poids plus rapidement ou à produire plus de lait, tout en émettant beaucoup moins de méthane au cours de leur vie.
Karen Beauchemin et ses collègues s'enthousiasment devant les résultats de leurs multiples projets et essais. Comme c'est le cas pour plusieurs enjeux complexes d'importance, c'est souvent l'accumulation des petites améliorations qui brossent le portrait d'une réussite globale.